La traversée depuis Madère, va crescendo côté vent, mais c’est surtout une forte houle de travers, qui pour la première fois, chamboule les entrailles de Fab.
« tiens voilà un seau » lui dis je avant que les spasmes n’atteignent leur objectif expulsif.
Il sera son meilleur compagnon jusqu’à l’arrivée.
Privé d’équipier, je prends tous les quarts, mon téléphone programmé pour me réveiller toutes les 25mn, afin de contrôler que tout est clair à l’horizon car il y a toujours des bateaux sans AIS...
Le vent ne redescend pas quand nous arrivons dans la splendide baie de Francesa et nous prenons notre mouillage avec un vent de 25 nds.
Nous n’avons pas fait de réservation au port du petit village, alors nous restons dans le bateau pendant 3 jours à relaxer et profiter du paysage grandiose des montagnes volcaniques qui rougissent avec le couchant.
Pas possible d’aller à terre et de laisser Sea yoU seul avec un vent qui ne faiblit pas.
Au moment de partir, le vent est toujours très fort.
« Tu prends la barre, tu te diriges vers l’orin* en donnant des coups de moteur de 8 secondes en marche avant »
« Ok Captain, on y va »
(*flotteur au dessus de l’ancre)
Je remonte mon ancre au fur et à mesure, mais je commets l’erreur de faire une courte pose avec le guindeau. Celle ci sort de l’aspérité corallienne où elle était accrochée, glisse sur le platier et va s’encastrer dans un trou... impossible de la relever...
« Merde, merde et remerde... » je lance dans le vent...
Il y a 8m de fond, impossible d’y aller en apnée pour la dégager.
« Je remets de la chaîne et on prépare le matos de plongée » je hurle vers Fab pour qu’elle m’entende et sache la manœuvre à venir.
« On éteint le moteur » me demande-t-elle
« non on le laisse allumé au cas où »
Je descends dans la cabine, et sort la combinaison, la bouteille et son harnais, le détendeur, la ceinture de plombs de 8kg, les palmes, le couteau, des gants...
Je me mets à l’eau et commence ma descente. J’arrive près de l’ancre..
« Putain... elle est dans un sacré trou... » je marmonne dans mon détendeur...
Avec le vent qui pousse le bateau je vois la chaîne qui se tend par moment..
Je me dirige pour la prendre par le dessus
« elle est lourde cette foutue ancre... » me dis-je.
Il faut prendre appui pour avoir de la force, mais aussi faire attention de ne pas rester coincé...
Elle bouge, mais au même moment la chaîne se tend, je suis obligé de lâcher et l’ancre s’enfonce de plus belle dans le trou et se coince entre deux rochers... elle ne bouge plus d’un millimètre...
Je vous passe tous les jurons que j’ai lancé dans la mer...
En une seconde, je suis obligé de passer en revue tous les scénarios possibles, le pire étant d’être obligé de couper la chaîne et d’abandonner mon ancre ici.
J’essaie de nouveau rien ne bouge... puis encore une fois.. pareil... une troisième fois... idem..
Je ne vais quand même pas jeter l’éponge... j’ai encore de l’air...
Je vais essayer de bouger la pointe...
« YESSSS » elle bouge de quelques centimètres...
« Ok, si je soulève la pointe, avec un peu de chance cela devrait passer... mais il va falloir aller vite et ne pas se rater cette fois »
J’attends que la chaîne mollisse un peu et je lance toutes mes forces dans la bataille...
J’arrive à l’extraire du trou en bloquant ma respiration et en tendant à fond tous mes muscles... Je la dépose sur le platier... je pompe sur le détendeur pour retrouver mon souffle...
Maintenant il faut faire vite, car elle va déraper avec la force du vent et pourrait se remettre dans une autre cavité...
Je rentre au bateau, enlève la bouteille et « go » on y va...
Cette fois ci tout se déroule bien et l’ancre est sauvée...
Donc amis marins, dans ce très beau et rare mouillage des Canaries, restez au centre ouest ou à l’ouest, mais surtout pas centre Est ou à l’Est, où ce ne sont pas des roches recouvertes de sable comme indiqué dans le guide Vagnon des « îles de l’atlantique », mais un platier corallien bourré de trous...
Si il y a du monde, mieux vaut se mettre plus loin derrière, dans le sable...
Le conseil du jour: allez voir sur Google Earth l'image du lieu, si je l'avais fait, j'aurais vu que je n'étais pas bon. (voir ci-dessous)
Après l’épisode de l’ancre, c’est une petite navigation bien ventée qui nous conduit à Arrecife sur l’île de Lanzarote.
Les vents de Nord, Nord Est dominants sont bien installés cette saison et nous arrivons comme souvent avec près de 20 nds dans le port..
Impossible de prendre mon emplacement en marche arrière, car la manœuvre étrave au vent est délicate.
Je vois le « marinero » qui nous attend... super!!! C’est toujours agréable d’être aidé...
En fait c’est un stagiaire débutant qui remplace le titulaire en arrêt maladie. Il ne sait pas quoi faire des amarres, et ne sait pas faire de noeuds... quand on arrive avec 20 nds de vent cela agace un peu...
Heureusement Patrick un français qui a son bateau sur le ponton nous a vu arriver. Il vient nous aider à amarrer Sea yoU.
Lanzarote, c’est 3 doses de volcans, 2 doses de vignes dans leur cendres, 1 dose de vent, vous saupoudrez le tout généreusement de Cesar Manrique et vous obtenez un délicieux cocktail canarien où la poésie rivalise avec la beauté architecturale.
Les incontournables sont toutes les réalisations de Manrique (el mirador, le jardin de cactus, le musée El Campesino ...) mais aussi les Cuevas ( tunnels volcaniques) et le parc volcanique Timanfaya de la dernière éruption sur l’île.
Bon je vous ai fait une nouvelle petite vidéo pour vous rendre compte...
Bon vent à tous
Sea yoU soon